
Je parle ici de blocages créatifs qui peuvent être le résultat de beaucoup de choses différentes. Dans cet article, j’aborde une partie de ces blocages qui sont dus au fait de ne pas se respecter. Les autres sujets seront abordés dans un autre article.
Créer est comme un miroir de notre état intérieur. J’ai vécu une période où ce que je produisais reflétait un manque de soin, d’attention envers moi-même. Mes projets avaient toujours la mention « en cours », mes formes, mes traits, mes couleurs manquaient de précision, mon travail traduisait la relation difficile que j’avais avec ma propre valeur.
J’aimais créer, mais au fond, je ne comprenais pas pourquoi le travail des autres était si travaillé, si abouti comparé au mien. Ce que je pensais de moi était négatif et je ne faisais rien, ou plutôt je ne savais pas ce que je devais faire pour changer cela.
J’ai compris avec le temps que la manière dont je créais était le reflet direct de la manière dont je me percevais. En ne me respectant pas, je ne respectais pas non plus mon processus de création.
Mon manque de patience se traduisait par une insatisfaction énorme de mon travail, des œuvres inachevées, des idées abandonnées en cours de route. Ce que je produisais était marqué par mes doutes et mon manque de considération pour mon propre travail. Ces blocages créatifs empêchaient toute évolution véritable dans mon art.
C’était une réalisation douloureuse, mais qui me frappait à chaque fois que je regardais mon travail. Je commençais un projet avec enthousiasme, avec une idée précise de ce que je voulais accomplir, mais au fil du processus, je me sabotais.
Je ne prenais pas le temps d’aller jusqu’au bout. Je bâclais et après 15 minutes de travail, je me disais : « J’arrête, je n’y arrive pas. » Je n’avais aucune patience et m’arrêtais au stade de recherche ou de brouillon. Je n’avais donc jamais la possibilité d’être satisfaite de mon travail.
Ce n’était pas par manque d’envie, au contraire. Il m’arrivait d’avoir des projets qui me tenaient à cœur, des créations qui résonnaient en moi. Pourtant, je n’y mettais pas toute l’attention qu’elles méritaient. Comme si, au fond, je ne les méritais pas non plus.
Le lien entre estime de soi et création est profond
Lorsque l’on doute de soi, nos gestes trahissent ce manque de confiance. Les traits hésitants, les formes inachevées, le manque de rigueur sont autant de manifestations d’un regard critique sur soi-même. Créer devient alors une lutte intérieure, où l’envie et la frustration se mêlent.
D’un autre côté, lorsque l’on commence à se respecter, nos créations en bénéficient. Elles deviennent plus affirmées, plus abouties, parce qu’on leur accorde la valeur qu’elles méritent. Ce changement de perception permet aussi de lever le blocage créatif qui nous freine.
Bien sûr, certaines créations ne sont pas abouties ou ont des gestes tremblants volontairement. C’est une technique qui permet de faire vibrer le tracé ou la couleur. Certaines œuvres sont magnifiques. Mais ces artistes sont d’accord pour dire que leur travail est terminé et que le résultat leur convient. Ici, nous ne parlons pas de ça.
Aujourd’hui, je me respecte mieux dans mes actions, en tout cas mieux qu’avant. J’ai appris à ralentir, à accorder de l’attention à chaque détail, à ne pas me laisser envahir par l’impatience ou la peur de l’imperfection. Il faut surveiller ses mauvaises habitudes, mais en apprenant à respecter ce que je fais, j’ai aussi appris à me respecter moi-même.
Exercices pour inverser les blocages créatifs
Prendre soin de son matériel
Quand j’entretiens mes outils nécessaires à la création, j’ai remarqué que mon travail est plus soigné. Cela favorise le respect pour celui-ci et donc pour ce que je crée avec. Et lorsque je nettoie mes pinceaux, que je range mes couleurs ou que j’affûte mes crayons, je sens que j’enclenche la deuxième partie de mon processus créatif qui fait monter la motivation. Dites-moi si vous ressentez la même chose que moi ? J’aimerais beaucoup avoir votre retour.
Un matériel propre et bien entretenu permet aussi d’aborder son travail avec plus de sérénité. Cela évite la frustration causée par des outils inadaptés ou en mauvais état. Prendre soin de son espace de création est un premier pas vers le respect de son travail et aide à dépasser un éventuel blocage créatif.
Prendre son temps
J’ai compris que la précipitation me menait souvent à l’échec. Maintenant, je découpe mes projets en étapes et je m’accorde des pauses. Cela me permet de mieux apprécier ce que je fais et d’éviter la frustration liée à l’impatience. Le fait de ralentir mes gestes quand je le peux, c’est comme ralentir pour manger pendant les repas. On laisse le temps au corps de faire son travail. Dans la précipitation, le risque de trébucher est plus grand.
Un exercice que j’ai intégré est de poser mon crayon ou mon pinceau pour prendre du recul. Cette simple pause me permet d’évaluer mon travail avec plus de recul et d’éviter les erreurs causées par l’empressement. Cela m’aide aussi à contourner un blocage artistique lorsque je sens que je perds confiance en mon travail.
Comprendre notre objectif
Avant de commencer, je prends un moment pour noter mes intentions. Pourquoi est-ce que je crée ? Quelle émotion ai-je envie de transmettre ? La raison est un moteur puissant pour diriger nos gestes avec cœur. Il y a toujours un mobile, quelque chose que l’on veut partager derrière une création.
Se poser cette question permet d’éviter de travailler mécaniquement, sans réel engagement. En notant mes objectifs avant de commencer, j’ai remarqué que je suis plus investie dans mon travail et que cela m’aide à surmonter un blocage créatif.
Vivre le moment présent
J’ai appris à ne plus être obsédée par le résultat final. Créer, ce n’est pas seulement obtenir une œuvre finie, c’est aussi profiter du processus. Je veux créer aussi pour passer un moment qui va me calmer, me faire voyager. Alors maintenant, j’essaie de prendre plaisir à observer mes gestes, à voir mon travail évoluer, à ne pas rester focalisée sur le résultat souhaité, mais profiter de mes gestes, de la naissance de mes ouvrages.
Quand on regarde autour de nous, chaque chose qui naît a un temps qui lui appartient. De la fleur qui pousse en quelques heures à l’arbre millénaire. Mon travail a aussi un temps qui lui appartient et maintenant je veux le respecter.
Une pratique qui m’a aidée est d’observer mon travail sous un autre angle. Changer d’éclairage, regarder sous un autre point de vue ou même prendre une photo de mon avancement me permet de mieux apprécier le processus au lieu d’être focalisée uniquement sur la finalité.
Je vous propose d’autres exercices sous l’article ‘La confiance en soi du créateur’. Vous pouvez choisir de mettre en place ceux qui vous semblent abordables et qui peuvent vous correspondre.
Cultiver la patience et la persévérance
Apprendre à se respecter passe aussi par l’acceptation de l’effort et du temps que nécessite toute progression. Il est normal de ne pas être parfait. Le respect de soi s’apprend aussi en acceptant l’apprentissage, en valorisant chaque étape du chemin au lieu de ne juger que le résultat final.
Une astuce qui m’a aidée : garder une trace de mes anciennes créations pour voir mon évolution. Plutôt que de comparer mon travail aux autres, je compare mes progrès à mes propres œuvres passées. Cela m’aide à voir que chaque effort porte ses fruits, même si c’est sur le long terme.
Les créations de mon passé sont toutes parties à la poubelle depuis longtemps. Aujourd’hui, j’utilise des carnets de dessin pour suivre cette évolution. Ils sont là, les uns après les autres. Et quand je l’ouvre, j’ai la joie de voir mes failles et je peux ainsi décider de les travailler. Ces carnets m’ont aussi permis de surmonter mes blocages créatifs en prenant conscience de ma progression.
Par exemple, lors de la réalisation de ce dessin, je me suis aperçu que certains éléments me faisaient défaut. Ici, on comprend que je n’ai jamais vraiment travaillé le nez. Ce n’est pas ce qui me plaît le plus à faire, et cela se voit.

Alors, j’ai décidé de travailler ma faiblesse. Sur une autre page de ce même carnet, j’ai pris le temps d’observer des modèles de nez et de bouche. J’en ai fait des croquis. La page n’est pas encore remplie, mais j’ai bien l’intention d’en faire d’autres jusqu’à ce que je sois à l’aise avec leur structure.

Ces pratiques ont transformé ma manière de créer et de me percevoir. Elles m’ont aidée à retrouver du plaisir dans le processus créatif. En apprenant à respecter ce que je crée, j’ai appris à me respecter moi-même. Et ce respect se reflète aujourd’hui dans chaque trait, chaque couleur, chaque forme que je choisis d’exprimer.
J’espère que cet article pourra vous aider si vous rencontrer ce problème aussi.
